Là où vont les morts.
Liam MCILVANNEY est professeur de littérature à l’université Otargo, en Nouvelle-Zélande et critique littéraire à la London Review of Books. Il est le fils de William McIlvanney qui publie aux Editions Rivages. Les Couleurs de la ville est son premier roman.
Un grand merci à Babelio et les éditions Métailié pour l'envoi de cet excellent roman
dans le cadre de la dernière opération masse critique.
Tu te réveilles dans la pénombre avec un sentiment d'égarement fugitif, cette pièce étrangère se réassemblant peu à peu, le lit d'appoint, le grand miroir piqueté, le bureau et la chaise d'un noir d'ébène. A la bande de ciel aperçue entre les rideaux à demi clos, tu comprends que tu n'as pas dormi longtemps, quelques minutes à peine, une sieste superficielle. Tu as gardé tes habits. Tu restes immobile sur le lit, sans autre bruit que le souffle de tes narines. Si tu fermais les yeux maintenant, tu dormirais.
Voilà l'effet que ça te fait. Certains sont tendus à bloc, nerveux, incapables de se calmer avant de passer à l'action. Chez toi c'est différent, ton pouls se ralentit, ta respiration se resserre, ton corps s'engourdit par paliers.
Tu te lèves et tu tires les rideaux.
La chambre est située au quatorzième étage, elle donne sur la circulation, huit voies d'autoroute au fond d'un canyon de béton, un enchevêtrement de rampes d'accès, de bretelles de sorties et de ponts. Tu les regardes passer d'une file à l'autre, les voitures et les autobus, les grosses boîtes des semi-remorques qui défilent dans les deux sens. Où qu'ils aillent, ils l'apprendront ce soir dans leur salon, à la radio dans leur cuisine, ce que tu t'apprêtes à faire.
Par-delà l'autoroute, il y a une école. La cour est déserte. Des flaques d'eau miroitent sur le bitume affaissé des toits. À droite, tu aperçois les flèches du West End, les sommets enneigés des Campsie Fells. Sur ta gauche, le fleuve et la silhouette immense de la grue, marteau démesuré, pistolet braqué sur la ville.
Tu imagines l'impression que ce décor ferait sur un touriste, ce qu'il remarquerait en le contemplant depuis cette fenêtre. Après tout ce temps passé loin de ces rues rancunières, ces longues années d'exil, désormais tu es toi-même, ici, un touriste.
Sous la douche tu passes un rasoir sur tes tibias, la peau lisse étincelant dans la lumière des spots. Puis tu restes un long moment debout sous le jet, laissant l'eau te flageller la nuque, ruisseler en torrents sur tes membres.
Après, tu enfiles un épais peignoir blanc et tu te sers du bout duveteux de sa manche pour dégager en frottant un hublot sur le miroir couvert de buée. Tes affaires de toilette sont disposées sur une étagère de verre dépoli et tu les utilises tour à tour, tu termines par un rouge à lèvres fané, tu l'essuies sur un mouchoir carré arraché d'une boîte, qui retombe en flottant dans la corbeille.
Tes sourcils ne ressemblent à rien mais tu n'as pas assez d'énergie pour les remettre en ordre.
Tes vêtements sont posés sur le lit. Tandis que tu lisses sur tes jambes les collants ultrafins, un éclat d'ongle se prend dans le tissu mais l'accroc se trouve tout en haut de la cuisse, il ne se verra pas. Tu boutonnes ton chemisier bleu nuit effet mouillé, tu remontes sur tes hanches la jupe droite noire, fendue sur le côté, tu cherches à tâtons la fermeture éclair. Des deux mains tu rejettes tes cheveux sur le col en fausse fourrure de ta veste de laine.
Tu grimpes sur tes talons, tu sens la jupe se resserrer sur tes fesses, les tendons qui se bandent et raidissent tes mollets. Tu te regardes dans le miroir en pied et tu te jauges comme le ferait quelqu'un d'extérieur, tête penchée de côté, sourcils froncés. Tu as vu mieux, tu as vu pire. Il fait froid dehors, tu noues donc un fouloir de soie autour de ton cou, tu te penches en avant pour vérifier qu'il n'y a pas de traces de rouge à lèvres sur tes dents.
Avant il était le reporter vedette du journal mais à présent il est dans l'ombre de son ancien protégé, Martin Moir. Mais quand Moir est porté disparu au moment où une grosse affaire explose, Conway est chargé de couvrir une fusillade entre truands. Et quand on découvre le cadavre de Moir dans une carrière inondée, son enquête sur la mort de son collègue entraîne Conway toujours plus profondément dans les bas-fonds de la ville. Bravant l'hostilité des gangsters, des politiciens ambitieux et des propriétaires de son propre journal, Conway s'aperçoit qu'il a encore suffisamment de ressources pour faire sortir un gros scoop. Mais c'est une histoire que tout le monde n'a pas envie d'entendre alors que la ville est sur le point d'accueillir les Jeux du Commonwealth et que le pays se prépare au référendum sur l'indépendance de l'Écosse.
Dans ce livre, le deuxième de la trilogie Conway, McIlvanney explore avec brio les interactions troubles entre le crime et la politique dans l'Écosse d'aujourd'hui.
«Mcllvanney raconte son histoire avec clarté, des dialogues époustouflants et des personnages convaincants.»
The Times
«Mcllvanney évoque les bas-fonds les plus obscurs de la ville avec une précision au rasoir et le roman saute hors de la page comme une bête sauvage... une superbe narration, un regard merveilleux sur les personnages et une passion pour les dialogues, qui annoncent l'avènement d'un poète écossais du thriller.»
Daily Mail
«Une écriture cinématographique mais aussi très littéraire qui place d'entrée Liam Mcllvanney parmi les très bons auteurs anglo-saxons.»
Alain Léauthier, Marianne
Liam McIlvanney est né dans le Ayrshire. Il est l'auteur de Burns the Radical et de Les Couleurs de la ville (Métailié, 2010). Il vit à Dunedin en Nouvelle-Zélande, où il enseigne, avec sa femme et leurs quatre fils.
Gerry Conway est de retour au Glasgow Tribune après 3 années de détours.
La mort de son collègue et ami Martin Moir (étoile des faits divers du Glasgow Tribune)
va l’entraîner à enquêter dans la ville sombre de Glasgow, assassinat, suicide?
Rien n’est plus comme avant le journal est en train de péricliter.
L’enquête se fera sur fond de référendum sur l’indépendance de L’Ecosse,
le récit est bien mené, l’enquête nous tient en haleine avec des rebondissements.
Elle révélera les liens entre les gangs des bas-fonds, les politiques,
la police et la presse elle-même. Elle montrera toute la dangerosité qu’il y a
a fleureter avec ces milieux quand on est journaliste d’investigation.
Ce polar – journalistique est passionnant, Liam Mac Ilvanney nous emporte
dans ce milieu glauque et dangereux. Il nous questionne aussi sur l’éthique d’une profession.
Tout en nous permettant d’apprécier la vie écossaise locale comme
le concours de cornemuse de son fils où encore la rivalité ente
le Celtic Glasgow et les Glasgow Rangers. Faire une recherche et découvrir
que « Auld Lang Syne » est notre fameux « Ce n’est qu’un au revoir » par exemple.
Et puis il y a Glasgow la déshéritée qui nous est décrite
comme une ville qui a subit de plein fouet la récession économique et
qui est la ville la plus criminogène d’Europe, chômage, pauvreté,
consommation d’alcool et drogue réduise fortement l’espérance de vie.
Slàinte mhath – Santé