Comme un seul homme
Je remercie les Editions Fayard pour l'envoi de cette lecture.
Daniel Magariel
Les garçons vont à l’école, jouent dans l’équipe de basket, se font des amis, tandis que leur père vaque à ses affaires dans leur appartement de la banlieue d’Albuquerque. Et fume, de plus en plus – des cigares bon marché, pour couvrir d’autres odeurs. Bientôt, ce sont les nuits sans sommeil, les apparitions spectrales d’un père brumeux, les visites nocturnes de types louches. Les garçons observent la métamorphose de leur père, au comportement chaque jour plus erratique et violent. Livrés à eux-mêmes, ils n’ont d’autre choix que d’endosser de lourdes responsabilités pour contrer la défection de leurs parents, et de faire front face à ce père autrefois adulé désormais méconnaissable, et terriblement dangereux.
Daniel Magariel livre un récit déchirant, éblouissant de justesse et de délicatesse sur deux frères unis dans la pire des adversités, brutalement arrachés à l’âge tendre. Deux frères qui doivent apprendre à survivre et à se construire auprès d’un père extraordinairement toxique, au milieu des décombres d’une famille brisée.
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Nicolas Richard
188 pages seulement pour ce livre, ce qui n’enlève rien à la force et l’intensité du message. Ce fut une lecture déchirante, le thème abordé me rend si triste et en colère à la fois et je me dis qu’il n’est pas donné à tout le monde d’être un parent suffisamment bon. Le narrateur est un jeune garçon d’une douzaine d’année, il veut tellement faire partie du clan, être avec son père et son grand frère qu’il va mettre en place une stratégie qui assurera que son père obtienne sa garde et tout commence ainsi par une parole lapidaire du père :
« Ca, ça va mettre fin à la guerre, a-t-il dit. Pas de garde des enfants. Pas de pension alimentaire. Grâce à ça, on va être libres. »
Toutes ses promesses de nouveau départ, d’une meilleure vie ne sont qu’illusions et c’est comme une descente inéluctable aux enfers : drogue, cruauté physique et psychologique vont devenir le quotidien des deux frères qui ne souhaitaient qu’être aimés et aimer leur père. Ils auront beaux faire leur maximum pour s’en sortir, ils seront sans cesse manipulés par leur père dont le leitmotiv est :
« la famille c’est tout ce qu’on a ».
Leurs mécanismes d’adaptation et leurs comportements face à la terrible réalité rendent cette histoire dévastatrice.
L’écriture de Daniel Magariel est simple et à la fois elle vous percute comme un train, d’une efficacité redoutable les mots font venir en soi des images si dures. Tant d’enfants vivent ce genre de situation, tant de gens ferment les yeux avec ce livre entre les mains cela aide à une prise de conscience salutaire. Sa façon de dépeindre les sentiments contradictoires des garçons envers leur mère et leur père est brillante. Il n’y a rien de particulièrement complexe dans l’écriture car il faut se souvenir que c’est un enfant de douze ans qui parle et pourtant la tournure et le style donnent de l’intensité aux mots. J’étais pas mal frustrée par la fin choisie par l’auteur mais en y réfléchissant cette fin ouverte nous laisse la possibilité d’imaginer ce qui s’est réellement passé. L’épilogue a aussi toute son importance dans un texte aussi court, il nous donne des éléments en plus pour mieux analyser la fin telle que l’a voulu l’auteur. Pour un premier roman Daniel Magariel nous propose une histoire très convaincante, voir les deux frères grandir dans une insécurité grandissante et des conditions d’abus exponentielles n’était pas une mince affaire. Une histoire brutale au bilan terrible pour une famille complètement désarticulée.