Ours
Je remercie les Editions Calmann Levy ainsi que l'opération Masse Critique de chez Babélio
Philippe Morvan
d’un jeune Français dans un siècle cruel…
Fin du 19e siècle. Un homme blessé et encerclé d’ennemis regarde, impuissant, agoniser son dernier compagnon. Il s’appelle Gabriel Morange. Né en Auvergne, il est sur le point de mourir dans un défilé du désert américain et se souvient du chemin sidérant qui l’a conduit jusqu’ici. Son enfance, tout d’abord, marquée par la disparition de son père et son frère, tous deux morts à la guerre. Un désir de vengeance naît chez le jeune Gabriel qui s’engage dans l’armée coloniale. Il y passe cinq longues années, d’abord en Kabylie, où les horreurs commises par son propre camp le conduisent un jour à sauver la célèbre rebelle Lalla Fatma N’Soumer, puis au Vietnam où il trouve refuge dans l’opium et les femmes.
C’est au cours de ces années que Gabriel prend l’habitude de tenir un carnet de route où il consigne ses révoltes et ses secrets. Marqué à jamais, dans son corps et dans son âme, par les atrocités de la guerre coloniale, il décide de ne plus jamais porter une arme et de devenir missionnaire pour « racheter » ses fautes. Il part en Amérique où l’attend une mission auprès des Indiens Navajos.
Là, rien ne se passe comme prévu. Il fait la connaissance d’une vieille femme et de son petit-fils orphelin qui le surnomme Ours. À la mort de l’Indienne, il adopte l’enfant. Le martyre subi par ses compagnons indiens le ramène peu à peu vers le combat. Il tourne le dos à l’Église et à sa propre civilisation pour rejoindre le peuple indien. Au côté des derniers Apaches, il trouvera l’amour et une raison de vivre et de lutter.
Il finira ses jours dans une réserve, continuant à écrire pour témoigner.
Ma chronique :
Une véritable épopée que nous propose Philippe Morvan. Celle d’un homme né en 1836, dans une ferme auvergnate. Dès les premières pages on sait qu’il est blessé gravement et qu’il attend la mort pris au piège dans un défilé du désert américain. Gabriel Morange surnommé l’Ours à cause de sa barbe va alors retracer toute sa vie, un peu à la manière de Dustin Hoffman dans Little Big Man. Ce témoignage unique d’un parcours intense et puissant, va nous entraîner dans de multiple pays vers des horizons nouveaux mais toujours cruel. En effet après avoir perdu don père et son frère aîné à la guerre, un fort désir d’en découdre le pousse à s’engager dans l’armée coloniale. Il restera comme marqué au fer rouge par les exactions commises par les soldats français en Kabylie puis au Vietnam où il trouvera un apaisement trompeur dans les vapeurs d’Opium.
L’auteur nous dresse une galerie de personnages terrifiants parmi la soldatesque de la Légion étrangère, ils apparaissent sans foi ni loi et ne feront que renforcer Gabriel dans son désir « racheter » ses fautes. Il s’engage ainsi comme missionnaire en partance pour les Amériques rencontrer les indiens Navajos. Pourtant encore une fois il sera le témoin des horreurs que les peuples Amérindiens auront à subir en cette fin de siècle. J’ai beaucoup aimé les liens très forts qu’il va tisser auprès des indiens allant jusqu’à adopter un orphelin, apprendre leur langue. Lui qui ne voulait plus combattre va être à nouveau pris dans ce conflit. Son parcours est incroyablement riche, ses choix courageux mais que de tourments et de douleurs. On sent que l’auteur a fait un bon travail de recherche car rien n’est autant passionnant que les petites histoires dans la grande Histoire. Je ne connaissais pas ce personnage révolutionnaire féminin Lalla Fatma N’Soumer de Kabylie ni l’épisode du siège de Tourane en Cochinchine. En revanche Géronimo chef Apache dont le peuple connu une terrible fin ne m’était pas inconnu fait ici une apparition en dehors des sentiers battus.
Les chapitres sont courts et s’enchaînent rapidement dans un style vif et fluide. Quelques descriptions des stratégies militaires étaient un peu soporifiques mais bien vite l’action prenait le dessus ne nous laissant que peu de répit. Dans l’ensemble un superbe roman avec un personnage central très attachant et un parcours qui sort du commun, nous faisant partager ses aventures bonnes ou mauvaises mais toujours avec une grande authenticité. Bonne lecture.
Citation:
Au combat, la mort est parfois inévitable. Mais elle est toujours inutile. Pour Apache, il n’est pas de bon moment pour mourir. La vie est le bien le plus précieux que nous ait confié la Terre mère et il nous faut la préserver pour tous les moyens.
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