La Mort selon Turner
Je remercie lecteurs. com ainsi que les Editions Sonatine pour l'envoi de ce livre.
Tim Willocks
Tim Willocks est né en 1957 en Angleterre. Grand maître d'arts martiaux, il est aussi chirurgien, psychiatre, producteur et écrivain. La Mort selon Turner est son quatrième roman chez Sonatine Éditions.
Lors d'un week-end arrosé au Cap, un jeune et riche Afrikaner renverse en voiture une jeune Noire sans logis qui erre dans la rue. Ni lui ni ses amis ne préviennent les secours alors que la victime agonise. La mère du chauffeur, Margot Le Roux, femme puissante qui règne sur les mines du Northern Cape, décide de couvrir son fils. Pourquoi compromettre une carrière qui s'annonce brillante à cause d'une pauvresse ? Dans un pays où la corruption règne à tous les étages, tout le monde s'en fout. Tout le monde, sauf Turner, un flic noir des Homicides. Lorsqu'il arrive sur le territoire des Le Roux, une région aride et désertique, la confrontation va être terrible, entre cet homme déterminé à faire la justice, à tout prix, et cette femme décidée à protéger son fils, à tout prix.
Le fauve Willocks est à nouveau lâché ! Délaissant le roman historique, il nous donne ici un véritable opéra noir, aussi puissant qu'hypnotique. On retrouve dans ce tableau au couteau de l'Afrique du Sud tout le souffle et l'ampleur du romancier, allié à une exceptionnelle force d'empathie. Loin de tout manichéisme, il nous fait profiter d'une rare proximité avec ses personnages, illustrant de la sorte la fameuse phrase de Jean Renoir : " Sur cette Terre, il y a quelque chose d'effroyable, c'est que tout le monde a ses raisons. "
Ma chronique :
Un scénario en trois actes digne des plus grands westerns transposé en Afrique du Sud, avec toute l’histoire de ce pays qui même sortit de l’apartheid continue à vivre avec ce lourd passé et un présent à peine esquissé. Turner est notre empêcheur de tourner en rond, il est le justicier fait homme, policier incorruptible, il mènera sa mission jusqu’au bout peut importe les conséquences, il reste droit dans sa ligne de conduite et intransigeant. Il part du Cap pour retrouver et arrêter l’assassin d’une jeune femme, SDF prise en étau entre un container de poubelles et un 4x4. Le conducteur était complètement saoul et ne se souvient plus de rien. Ce jeune Afrikaner appartient à une famille ayant fait fortune dans les mines de manganèse, c’est sa mère Margot Le Roux qui gère d’une main de fer l’entreprise, les mineurs, la région et même la Police locale. Et ce que Margot veut, Margot l’obtient… elle mettra tout en œuvre pour sauver son fils d’une inculpation avec l’aide de son compagnon Hennie et de Simon son chef de la sécurité. Deux camps vont s’opposer, on assiste à des confrontations écrites comme des duels où la valeur et la force des personnages est évaluées, chacun d’entre eux persuadés de détenir la vérité et aucun ne déviera d’un iota sa position.
Le personnage de Turner porte littéralement cette œuvre épique, même si on ne sait pas grand-chose sur lui, on sait qu’il est noir, pratique les arts martiaux (tient comme son auteur, il n’y a pas de coïncidence) il sait garder son calme en toute circonstance et mettre à genoux du bout des doigts ses ennemis. Un véritable maître zen qui nous montrera de quoi il est capable lorsqu’il s’agit de survie en plein désert. Sa force intérieure ne peut qu’entraîner empathie et admiration.
Ce thriller est féroce et très rapidement, nous voilà pris à compter les morts, le sang coule, la poussière l’absorbe et le soleil le fait craqueler. Les pages se tournent à un rythme endiablé sur des moments de suspense intense. Les descriptions deviennent de plus en plus gore, on rentre dans des détails quasi graphiques un peu comme dans The Religion avec Tannhauser. On en apprend beaucoup sur les différents styles d’armes à feu, de couteaux de chasse, techniques de survie etc. J’ai aussi beaucoup aimé l’authenticité des paysages désertiques, moi aussi j’avais envie de brancher la clim. On se dirige imperceptiblement vers un final inoubliable. J’espère pouvoir lire encore la plume de Tim Willocks et si Turner y apparaît encore cela ne sera pas pour me déplaire parce que bon, quel homme ! Bonne lecture.
Citation :
T'es un homme qui sait comment sont les choses. Ce qui se résume à juste de la merde. Rien n'a de sens. C'est un putain de chaos. Mais quelque part dans ce gigantesque océan de merde pure, l'homme qui voit comment sont les choses doit choisir les merdes qui semblent le plus de valeur et les défendre. C'est peut-être une femme qui te donne l'impression de mesurer trois mètres. Ça peut être le drapeau d'un pays qui t'enterrera sans y penser plus qu'un chat qui enfouit sa merde dans sa litière. C'est peut-être une fille sans nom allongée morte dans la rue. Mais c'est surtout de savoir que si tu refuses de le faire, si tu prends le fric et que tu te barres, tu ne serais plus qu'un le fantôme de toi-même. Tu ne seras rien. C'est ce sentiment que tu as dans le sang, quand tu sais qu'il foncer, jusqu'à ce que tu t'écrases.