Les Sept jours du Talion
Je remercie les Editions Fleuve Noir pour cette nouvelle lecture.
Patrick Senécal
Bruno Hamel et sa compagne Sylvie forment un couple bourgeois à l'existence tranquille, avec leur fille unique de sept ans. Tout bascule un jour d'automne, où Jasmine ne rentre pas de l'école. Après quelques heures de recherches, elle est retrouvée morte –; elle a été violée et étranglée–;, dans les fourrés près de l'école. Dès lors, l'univers de Bruno vacille. Il se fait de plus en plus distant, gagné par une haine sourde. Aussi, lorsque la police arrête le meurtrier, un terrible projet germe dans son esprit : il va s'emparer du coupable et lui faire payer ce qu'il a fait à sa petite fille. Le jour de sa comparution, il le kidnappe. Tandis que la police fait tout pour le retrouver avant qu'il ne soit allé trop loin, Bruno s'enferme avec le meurtrier dans un chalet isolé, au fond de la forêt québécoise. Sept jours au cours desquels le chirurgien si humain et fou d'amour pour sa fillette s'enfonce dans une folie de vengeance glaciale, jusqu'à ne plus savoir : le monstre, est-ce lui ou l'autre ?
Ma chronique :
A peine le livre entamé, on sait déjà tout du plan qu’a établit Bruno Hamel, le personnage principal qui vient de retrouver sa petite fille Jasmine, violée et tuée. Le coupable est rapidement arrêter et même s’il risque une condamnation de 25 ans derrière les barreaux, il est plus probable qu’il n’en fasse que 15. Alors on peut tout à fait comprendre le plan que met en place le Docteur Hamer, il kidnappera le meurtrier, lui fera subir les pires sévices pendant 7 jours et finira par lui ôter la vie et se rendra à la police.
J’appréhendais les passages de tortures infligées par Hamel « au monstre ». Comme la profession d’Hamel est chirurgien, je me disais que cela pourrait vite devenir insupportable pour moi. Il faut reconnaître que certaines scènes sont plutôt gore et que la montée en puissance des « punitions » nous fait craindre pire à chaque fois. Pourtant rien n’est laissé au hasard chaque acte infligé est une réponse à ce que le monstre à fait à sa petite fille. Non pas que cela légitime l’acte mais cela le rend compréhensible, il y a une sorte de logique justicière, en tout cas au début car c’est une lente descente aux enfers qui s’annonce et la folie n’est pas loin. Le fait que le justicier Hamel change en cours de route, qu’il y est une évolution psychologique apporte un grand intérêt au livre. Qui ne voudrait pas rendre justice soi-même face au meurtre de son enfant ?
J’ai aussi bien accroché avec l’enquêteur Mercure, qui est un personnage qui a un point commun avec Hamel, même s’ils n’ont pas la même réponse. Suivre l’enquête était aussi passionnant et savoir comment ils allaient s’y prendre pour réussir à stopper Hamel avant qu’il n’exécute son prisonnier. Mais ce qui fait la force de ce livre c’est toute l’introspection psychologique dont fait preuve Hamel, toutes les dérives de son esprit, tous ses raisonnements, c’était à la fois instructif et poignant. La haine est un sentiment destructeur et il est parfaitement exploité ici. Patrick Senécal fait un beau travail de psychanalyste plus que d’auteur d’horreur même s’il faut avouer que question hardcore il sait très bien y faire. Un livre qui m’a fait réfléchir sur ce que pourrait être ma réaction face au meurtre d’un de mes enfants mais aussi quelle confiance j’aurai en la justice de mon pays. Un livre à découvrir. Bonne lecture.
Citation :
En voyant le monstre sortir de la voiture, Bruno Hamel entendit le grognement de chien pour la première fois.
A une trentaine de mètres devant lui, la voiture de police était arrêtée près de l’entrée arrière du Palais de justice depuis une bonne minute déjà et ses occupants n’avaient toujours pas donné signe de vie. Bruno s’était même demandé s’ils n’avaient pas remarqué sa présence lorsque les deux policiers étaient enfin sortis pour ouvrir aussitôt la porte arrière. Le monstre, menotté, était apparu.
Bruno le voyait en chair et en os pour la première fois. A l’exception de ses cheveux lissés et de sa barbe fraichement coupée, il était comme toutes les images vues à la télé.
C’est à ce moment là que le grognement de chien se fit entendre, sourd, lointain. Bruno y porta à peine attention. Ses yeux ne quittaient pas le visage du monstre. Il s’était toujours méfié des stéréotypes : il considérait que les plus tordus avaient souvent l’air les plus droits…Pourtant, cette fois le monstre ressemblait vraiment à une pourriture, une vraie caricature de « méchant » hollywoodien, et cette constatation agaçait Bruno, il n’aurait su dire pourquoi.