La Goûteuse d'Hitler
Je remercie les Editions Albin Michel pour l'envoi de cette nouvelle lecture.
Rosella Postorino
1943. Reclus dans son quartier général en Prusse orientale, terrorisé à l'idée que l'on attente à sa vie, Hitler a fait recruter des goûteuses. Parmi elles, Rosa.
Quand les S.S. lui ordonnent de porter une cuillerée à sa bouche, Rosa s'exécute, la peur au ventre : chaque bouchée est peut-être la dernière. Mais elle doit affronter une autre guerre entre les murs de ce réfectoire : considérée comme « l'étrangère », Rosa, qui vient de Berlin, est en butte à l'hostilité de ses compagnes, dont Elfriede, personnalité aussi charismatique qu'autoritaire.
Pourtant, la réalité est la même pour toutes : consentir à leur rôle, c'est à la fois vouloir survivre et accepter l'idée de mourir.
Couronné en Italie par le prestigieux prix Campiello, ce roman saisissant est inspiré de l'histoire vraie de Margot Wölk. Rosella Postorino signe un texte envoûtant qui, en explorant l'ambiguïté des relations, interroge ce que signifie être et rester humain.
Ma chronique :
Fin 1943, Rosa part vivre chez ses beaux parents qui habitent non loin de la Tanière du Loup, pendant que Gregor son mari est mobilisé. Elle est rapidement « recrutée » pour faire partie d’un groupe de jeunes femmes ayant pour obligation de goûter chaque plat destiné au Führer.
Ce roman est particulièrement touchant, Rosa en est le personnage principal, elle va nous conter sa vie au quotidien pendant cette terrible période. On vit au côté de Rosa la vie d’une jeune femme allemande de son temps, ce retour en arrière est extrêmement bien documenté avec des éléments historiques qui jalonnent la chronologie et pour le reste de l’histoire et bien faites confiance au talent de l’auteure pour savoir combler les trous de manière réaliste et tout à fait crédible. On frisonne avec elle lors de la première bouchée avalée qui pourrait contenir du poison et surtout on imagine quelle peur vous prend à chaque repas forcé. La mort, la soumission et la peur son omniprésent et ne laisse aucun moment de répits. Lentement, ces femmes vont apprendre à se connaître, certaines feront preuve de lâcheté, de courage, de solidarité. On ne croirait pas que dans un tel environnement il puisse y avoir une histoire d’amour, d’ailleurs peut-on vraiment la nommer ainsi ? Et pourtant c’est toute une palette de sentiments que Rosa et ses compagnes d’infortune vont vivre, des petits joies au grand malheur en passent par la culpabilité qui vous ronge.
Ce troisième Reich en pleine déconfiture nous fait passer de la petite histoire des hommes à la grande. Avec le recul, on a bien du mal à imaginer ce que la vie en pleine guerre devait être et lire ce genre de récit nous fait toucher du doigt, d’une certaine manière la vie côté allemand à cette époque. Mon cœur se fend en sachant que le personnage de Rosa prend sa source d’une histoire vraie, celle de Margot Wölk, une parmi les quinze goûteuses enrôlées de force à la Tanière du Loup afin de goûter les plats avant qu’ils ne soient ingérés par Hitler. Un livre captivant sur un destin hors du commun. Bonne lecture.
Citation :
Si l’être humain avait vraiment été créé par Dieu, disait mon mari, crois-tu qu’il aurait inventé une chose aussi vulgaire que la merde ? Il n’aurait pas pu trouver une autre méthode, qui évite les résidus répugnants de la digestion ? La merde est une trouvaille si perverse que soit Dieu est un pervers, soit il n’existe pas.
"Ils sont deux à ne pas avoir compris qu'il fait froid en Russie, m'avait-il écrit. L'un est Napoléon" ; il n'avait pas mentionné l'autre , par prudence.
Mon corps avait révéla sa misère, sa course irrésistible vers la décomposition. Il avait été conçu avec cette finalité, tous les corps le sont : comment est-il possible de les désirer, de désirer quelque chose qui est destiné à la putréfaction ? C'est comme aimer les vers à venir.