Clémence Sénile
Jean-Charles Fauque
Né à Lyon en 1943. Jean-Charles Fauque a achevé ses Humanités au Lycée Henri IV à Paris, puis poursuivi des études de Droit à Paris. Au cours d'une carrière de concepteur-rédacteur publicitaire puis de journaliste de presse professionnelle, tout en écrivant des romans.
Un professeur d'université à la retraite, atteint de démence sénile, héberge dans son étroit logis du Quartier latin une jeune marginale au caractère bien trempé. Chacun trouve son intérêt dans ce quasi-concubinage platonique jusqu'à ce que les frictions du quotidien tournent au drame, mortel pour la jeune fille.
Deux autres décès surviennent parmi les proches du professeur, que la police a bien du mal à juger accidentels, alors que l'universitaire ne se souvient de rien. Ou pas...
Ma chronique :
Partir du postulat suivant « Tuer sous Alzheimer, est-ce assassiner ? » C’est tout l’enjeu de cette comédie policière particulièrement originale et bien amenée. Notre personnage principal est un vieux professeur d’université à la retraite qui commence à perdre la tête. Il va héberger pendant un temps une jeune femme marginale, en tout bien tout honneur, au moins au début, puis les choses se gâtent et finissent par la mort de la jeune femme. D’autres décès dans l’entourage du professeur feront que la police s’intéresse à lui pourtant, comment avouer quelque chose dont on ne se souvient pas ? J’aurais aimé que l’enquête prenne plus de place, avec un flic bien identifiable mais finalement l’auteur n’a pas choisi cette voie et on comprend qu’en fait dans la réalité il est fort probable que les conclusions de la Police eussent été les mêmes. J’ai pris beaucoup de plaisir avec ce petit livre de 192 pages qui nous brosse un tableau de la fin de vie particulièrement mordant. Les chapitres alternent entre l’histoire qui est racontée par notre vieillard à la première personne du singulier et de courtes réflexions de celui-ci dans un présent où son état et son statut se sont fortement dégradés. Il faut bien le dire, toutes ces réflexions de fin de vie se révèlent savoureuses, parfois drôles, parfois cruelles mais elles ne laissent pas indifférent. Le sort que notre société réserve à ses vieux dans les EHPAD est bouleversant. La prise de conscience se fait qu’à plus ou moins brève échéance, ce sera notre tour, ne peut qu’être source d’angoisse. C’est une vision acérée et une plume incisive qui nous font voir les institutions sous un jour peu reluisant et tristement réaliste. Un personnage attachant qui ne semble pas être vraiment responsable et pourtant le nombre de mort augmente. Un petit mot sur la couverture qui au-delà de la symbolique de la grande faucheuse nous montre le chemin de la vie au trépas. Bonne lecture.
Citation :
Je ne lui en ai pas parlé, elle ne m’aurait pas cru. Souvent, elle ne croyait pas ce que je lui disais. Madeleine en concluait qu’elle était menteuse. Les menteurs pensent que les autres mentent comme eux, donc ils ne croient personne. Moi je n’avais jamais su mentir. Donc je croyais toujours tout le monde.
Les noiraudes, ça pue. Le pire, c’est quand elles me remontent dans l’ascenseur. Elles se collent à mon fauteuil, à cause de leurs gros culs, et je sens leur odeur qui pue. Je ne suis pas raciste comme P’tit Lu, mais ce n’est pas pour autant qu’elles ne puent pas. Toute ma vie j’ai milité pour les droits de l’homme, signé des pétitions, fréquenté les meetings de la Mutualité. Dire les choses telles qu’elles sont, ce n’est pas être raciste.
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