Et tout sera silence
Docteur en sociologie, professeur à l'université de Montpellier III et ancien journaliste, Michel Moatti signe ici son sixième roman.
Il s'est fait connaître avec Retour à Whitechapel, publié en 2013 aux Éditions Hervé Chopin, et a été lauréat du prix du Polar de Cognac 2017 avec Tu n'auras pas peur.
Il revient ici à l'investigation avec ce thriller contemporain mettant à nouveau en scène la Web-reporter Lynn Dunsday.
Tous ses titres sont publiés en poche chez 10-18.
Des femmes sont recrutées au fin fond de l'Europe par des organisations criminelles dont la violence est sans limite. L'une d'elle est retrouvée assassinée en Angleterre après avoir été au centre d'un scandale qui a éclaboussé un des plus hauts pairs du Royaume.
La police, les médias et les réseaux sociaux se jettent alors sur l'affaire dans la plus grande confusion... Lynn Dunsday, Web-reporter à la plume unique et aux méthodes expéditives, cherche à mettre un peu d'ordre dans tout ça, avec pour seul indice le Polaroïd sinistre de deux ados disparus.
Lauréat du prix du Polar de Cognac 2017 avec Tu n'auras pas peur
Ma chronique :
Un couple hors du commun va mener une enquête, lui c’est Andy Folsom enquêteur à la Metropolitan Police de Londres, elle c’est Lynn Dunsday, web-reporter, journaliste d’investigation. Ensemble dans la vie, policier et journaliste font rarement bon ménage et pourtant ils gèrent du mieux qu’ils le peuvent, les discordes et les conflits. L’action se déroule l’hiver 2019 et l’assassinat au tournevis d’Anna Kaczor dans un pub ne fait pas l’actualité, la mort d’une prostituée polonaise n’intéresse personne. Pourtant dès que l’on découvre qu’elle a fait l’objet d’un scandale avec une huile du gouvernement, un Lord, le sujet semble déjà plus porteur. Andy et Lynn vont tenter d’en savoir plus. La piste les mènera de Londres à la Pologne en passant par des réseaux de trafic d’êtres humain en Italie. A partir de là c’est la longue descente aux enfers pour ces jeunes femmes, dont Magdalena qui pense trouver une meilleure vie et un meilleur travail en Angleterre et pour qui débute un calvaire sans nom. Ce réseau de traite des femmes de l’Est semble bien rodé et très vite on comprend que cette économie souterraine vient s’implanter dans tous les pays d’Europe. Il y a eu des passages crus et difficiles tant ils nous font approcher de près la triste réalité. C’est très bien écrit, chapitres courts et intenses qui apportent leurs lots d’informations et d’horreurs soutenus par des dialogues d’une justesse terrible. On navigue entre l’enquête de Lynn, celle d’Andy et bien sûr, on découvre la vie des ces filles au travers du destin tragique de Magdalena. Michel Moatti réussit parfaitement cet exercice de fiction réaliste avec des références à des faits réels (rapports de l’ONU) qui rendent le tout sinon indigeste tout au moins percutant. On sent un gros travail de recherche en amont pour nous dérouler une histoire actuelle qui parle d’exploitation de la femme par l’homme où tous les coups sont permis puisqu’elles sont reléguées au rang de marchandises. Un coup de cœur pour ce thriller qui lève le voile sur ce que personne ne veut voir. Bonne lecture.
Citation :
Peut-être était-elle ukrainienne, ou biélorusse. Une Soviet à deux balles, comme elle les avait baptisées, quand elle était gamine. Une esclave de la rangée du dessous, selon l’expression qu’elle utilisait aujourd’hui. Pires que nous. De trois ou quatre rangées en dessous, s’amusa-t-elle intérieurement. Prêtes à tout pour survivre en Pologne, et prêtes à beaucoup plus encore pour se tirer vers l’Ouest et le stage.
Ce ne sont plus des femmes mais des bouts de viandes, elles sont brisés physiquement et psychologiquement