La brodeuse de Winchester
Je remercie les Editions La Table Ronde
collection Quai Voltaire pour cette nouvelle lecture.
Traduction Anouk Neuhoff
Tracy Chevalier
Née à Washington en 1962, après des études dans l'Ohio, Tracy Chevalier part en 1984 à Londres pour un séjour de six mois. Amoureuse des livres, elle reste finalement en Angleterre, y fonde une famille et commence à travailler dans l'édition. Pourtant, le virus de l'écriture, déjà côtoyé durant ses études, la rattrape. Après quelques cours d'écriture, Tracy voit ses écrits publiés dans le magazine Fiction, avant que son premier roman, 'La Jeune fille à la perle', ne lui apporte en 1998 un grand succès sur ses terres d'adoption. Confirmation dès lors que ses ouvrages se diffusent à grand échelle. Tracy Chevalier enchaîne, au début des années 2000, avec 'Le Récital des anges', 'La Dame à la licorne' puis 'La Vierge en bleu', et rencontre à chaque fois son public. Elle revient dans les librairies en 2007 avec 'L'Innocence'. Désormais, la sortie de chaque nouveau livre de Tracy Chevalier est un événement.
Entrer dans l’univers intimiste et très féminin de Tracy Chevalier c’est comme retrouver des valeurs anciennes et précieuses. Violet assiste involontairement à une cérémonie dans la cathédrale de Winchester, les brodeuses de la cathédrale sont mises à l’honneur pour leurs superbes travaux d’aiguilles sur les « agenouilloirs ». Le personnage de Violet est en constante évolution de son départ de chez sa mère acariâtre à son indépendance. Cette lente progression est ponctuée de rencontres qui la transformeront et nous avec. Violet rencontrera Arthur Knight sonneur de cloche de la cathédrale. Sa vie est prête à prendre un nouveau tournant. La situation décrite des femmes dites « excédentaires » dans l’Angleterre industrielle après la première guerre mondiale, ne m’était pas inconnue. Pourtant tous ces destins brisés par la perte d’un fiancé, d’un frère, d’un père ou d’un mari amène une certaine tristesse et mélancolie dans le récit. Heureusement le statut de violet ne l’empêchera pas de vivre pleinement sa vie au sein du cercle des brodeuses mais aussi avec les instants partagés des sonneurs de cloche. Le monde des brodeuses et celui des sonneurs de cloche est grandement exploré et cela peut plaire ou déplaire car il y a une multitude de détails que pour ma part j’ai apprécié mais qui pourront en lasser certains. . L’auteur nous fait toucher du doigt la difficulté à ce libérer des carcans sociétaux alors que la société elle-même est en pleine évolution et que le monde est au bord du précipice que sera la seconde guerre mondiale. Ce livre m’inspire un grand respect pour toutes ces femmes qui ont contribué à prendre une nouvelle place dans ce monde d’homme, un monde en mutation où il n’y aura pas de retour en arrière possible. Violet empreinte des chemins jusqu’alors interdits et assume des rôles aux antipodes de ceux de sa mère. Une prise de pouvoir sur la vie, sur ses amitiés, sa sexualité et même son emploi. Une métamorphose subtilement décrite dans ce très beau livre. Bonne lecture.
La mort est un point final; la disparition, l'absence de point, de tout signe de ponctuation à la fin des mots. Celui qui disparaît redessine le temps, et une spirale d'obsessions enveloppe ceux qui lui survivent. Mon père, ce matin-là, avait décidé de se glisser hors de chez nous, il nous avait fermé la porte au nez, à ma mère et moi, sans nous juger dignes d'un au revoir ou d'une explication.
La chambre dans laquelle j’avais dormi, joué, travaillé était restée figée dans le temps, à ceci près qu’à présent plancher et mur étaient encombrés par le magma d’objets échappés du débarras de la terrasse, que ma mère avait dû déblayer avant mon arrivée pour laisser le champ libre aux ouvriers. Une chambre morte, envahie par les flots de souvenirs.