Impasse Verlaine
Je remercie les Editions MonPoche pour l'envoi de ce nouveau titre.
Dalie Farah
Née en Auvergne en 1973, de parents immigrés d'Algérie, Dalie Farah est agrégée de lettres et enseigne en classes préparatoires près de Clermont-Ferrand. Impasse Verlaine est son premier roman.
Ma chronique :
Un très beau premier roman qui retrace une saga familiale racontée par la fille. Elle parle de sa mère et de la mère de sa mère. Une histoire de femme qui commence en Algérie, une famille berbère qui avec la guerre d’Algérie viendra immigrer en France. Vendredi la mère est une belle jeune femme qui sera mariée à un homme de vingt ans son aîné. Ne sachant ni lire ni écrire, mais se débrouillant mieux avec les chiffres, elle sera une figure forte pour la narratrice qui l’aime et en a peur et côtoie plus souvent le pire que le meilleur. La vie dans un HLM en Auvergne, la violence familiale au quotidien, la double culture et surtout l’école comme unique point de repaire. L’école qui fera d’elle une enfant de la république. De nombreux thèmes sont abordés mais je retiendrais le rapport mère-fille sur plusieurs générations, l’inévitable reproduction de l’histoire familiale, la construction de la personnalité dans de telles conditions. Une histoire de femmes racontée avec un style franc sans fioriture mais qui se teinte de poésie et des couleurs d’antan. Aucunes pleurnicherie et pourtant, il y aurait de quoi, juste les faits et leurs répercutions et c’est déjà bien suffisant. C’est lumineux d’authenticité et de sincérité. La plume de l’auteure nous fait voyager des années 60 à 80, on passe des montagnes des Aurès à celles de Volvic. Sans oublier un grand sens de l’humour qui est le bienvenu pour faire passer les horreurs vécues. Car comment se construire sans l’amour maternel auquel tout enfant a droit ? Que de résilience dès lors que l’ « On peut survivre à tout quand on survit à sa mère. » L’intervention d’un narrateur qui sait déjà tout apporte une touche de fatalité ou de destiné. Un roman court, qu’on ne lâche plus une fois commencé pour une belle immersion dans le monde de l’enfance. Un lien France - Algérie d’une autre génération à découvrir pour les plus jeunes où à déguster comme une madeleine. Bonne lecture.
Citations :
Tous deux voguent vers le pays des bourreaux, vers le pays des assassins de leurs frères et de leurs pères, ils voguent vers leurs sauveurs, vers leurs employeurs et ils vomissent. Ils sont vivants et veulent être heureux là-bas, là-bas d’où viennent ceux qui les ont mis à genoux au pied des Aurès.
Le vent d’hiver vient déjà du nord, le vent des Aurès lui manque. Sur le chemin, elle verse quelques larmes en pensant à ses champs et à ses brebis, ses innocences perdues. Mais cela, elle ne le raconte pas, ma mère a sa dignité berbère ; on ne dit pas n’importe quoi quand on boit du thé, même lorsque le miel colle aux dents.