Le Stradivarius de Goebbels
Je remercie les Editions Slatkine & Compagnie pour cette lecture.
Yoann Iacono
Présentation de l'éditeur :
Un cadeau empoisonné
Le roman vrai de Nejiko Suwa, jeune virtuose japonaise à qui Joseph Goebbels offre un Stradivarius à Berlin en 1943, au nom du rapprochement entre l'Allemagne nazie et l'Empire du Japon.
Le violon a été spolié à Lazare Braun un musicien juif assasiné par les nazis.
Nejiko n'arrive d'abord pas à se servir de l'instrument. Le violon a une âme. Son histoire la hante.
Après-guerre, Félix Sitterlin, le narrateur, musicien de la brigade de musique des Gardiens de la Paix de Paris est chargé par les autorités de la France Libre de reconstituer l'histoire du Stradivarius confisqué.
Il rencontre Nejiko qui lui confie son journal intime.
Ma chronique :
Un très beau roman qui nous transporte dans les années noires de l’Allemagne Hitlérienne. Après la guerre Félix Sitterlin a longtemps tenté d’entrer en contact sans succès auprès de Nejiko, une jeune virtuose japonaise à qui Joseph Goebbels avait offert un Stradivarius dans le cadre de l’alliance entre leur deux pays. Musicien de la brigade de musique des Gardiens de la Paix de Paris, il est missionné pour récupérer le Stradivarius. Le fameux violon faisant partie des trésors de guerre avait été confisqué à Lazare Braun, un musicien juif tué par les nazis. Début 2002, âgée de 82 ans, elle transmet ses carnets où enfin elle livre son histoire et avec elle celle de ce violon mythique. Le pillage organisé des richesses, tableaux, bijoux, meubles est un épisode dont on connaît peu l’ampleur même la jeune femme ne semble pas comprendre d’où vient ce cadeau. Pourtant elle éprouve bien des difficultés à le faire sien comme si le violon fait de l’âme de son ancien propriétaire s’y refusait. Elle va tenter d’en apprendre plus sur le parcours de son violon auprès d’un luthier parisien. Alors qu’elle est adulée pendant les années de guerre, le réveil sera d’autant plus rude à la libération. Ce récit lève le voile sur cette époque où l’inhumanité régnait en maître dans une Allemagne aveuglée par la haine et l’antisémitisme. On en apprend un plus sur le jeu de ses alliances avec le Japon d’Hirohito. Suite à son décès en 2012, l’auteur a mené un véritable travail de recherche sur l’époque et la vie de cette jeune femme que je ne connaissais pas. Son style est tout en délicatesse et nous apporte une touche de poésie bienvenue. Un récit passionnant dont on ne peut se détacher tant il fait vibre la corde de l’émotion. Un excellent premier roman à découvrir qui nous instruit autant qu’il nous enchante. Bonne lecture.
Citations :
Les violons ont une âme mais ils ont aussi une mémoire. Une mémoire au sens propre : le bois vit, travaille, enregistre les sonorités et les émotions
Il les absorbe, s'en imprègne, les intègre, au point que l'instrument se comporte de manière singulière sur un morceau joué des centaines de fois.
- Si vous voulez mon avis, ce n'est pas un cadeau d'offrir un tel violon à quelqu'un d'aussi jeune que vous... Il vous faut d'abord trouver votre propre sonorité ! C'est le seul moyen de parvenir à dompter un tel instrument... Si tant est que vous puissiez y arriver...
De nouveau, Nejiko se trouve plongée dans des abîmes. Sa sonorité ? (...) Et cette question qui revient toujours : qui jouait de ce violon avant elle ? Quelle était la sensibilité de ce mystérieux musicien ? Son répertoire, son style, son rythme?