L'agneau des neiges
Je remercie les Editions du Rivages pour l'envoi de cette nouvelle lecture.
Dimitri Bortnikov
Au nord de la Russie, au bord de la mer Blanche, Maria, une jeune infirme, née au lendemain de la Révolution, apprend à survivre. Au fil des années, ballotée de région en région, elle s’illustre par son courage. Après la perte de ses êtres chers, elle se retrouve à Léningrad dont elle affronte le blocus par les forces nazies avec abnégation. En charge de douze orphelins, elle mettra tout en œuvre pour les protéger jusqu’à se sacrifier pour les sauver de la famine et de la mort.
Dimitri Bortnikov nous livre ici un roman magistral, où la trace de l’intime rejoint celle de la grande Histoire.
Ma chronique :
Un véritable coup de cœur pour ce livre si particulier. Il faut dire que son auteur est russe et qu’il écrit directement en français et cela fait toute la différence. Un style inclassable, des tournures de phrases bien à lui et constamment des répétitions de mots comme pour mieux les ancrer mais aussi nous offrir une mélodie. Des phrases inhabituelles et déroutantes au commencement, bien vite on tombe dans le chaudron russe et ce qui était étrange devient enchanteur. Une ponctuation anarchique qui donne un peu plus un rythme qui lui est propre. Tout du long, j’ai eu le sentiment d’écouter un conteur habile en introspection qui par le biais de son personnage principal nous offre une histoire digne des tragédies grecques. Nous allons suivre Maria patte d’ours, née sur les bords de la Mer Blanche dans le Nord de la Russie. Maria n’aurait pas du survivre avec son handicap tant la vie est dure entre famine, misère et révolution. Pourtant c’est bien elle qui lutte avec acharnement pour sa vie mais aussi pour la vie des orphelins dont elle a la charge. Nous suivons son parcours quasi initiatique depuis sa naissance sur la corde raide entre vie et mort omniprésente. Quelle valeur a la vie dans ces contrées, à cette époque, où pour un morceau de sucre ou quelques poissons, elle peut être échangée. Heureusement, grâce à sa marraine, un personnage qui oscille entre la chamane et la religieuse, elle apprend à survivre dans les pires conditions. Lorsque la petite histoire rejoint la grande et que l’auteur situ son action lors du siège de la ville de Leningrad en 1944, alors on sait que l’on s’enfonce dans la douleur, l’obscurité et la violence. Tout se ligue contre la vie, le terrible froid, la guerre, la famine, la maladie et même un ours lui aussi rendu fou par la faim. Un récit puissant et intimiste qui force le respect. Bonne lecture.
Citations :
Lorsque l’enfant de l’homme quitte la terre – il la quitte par la main. Elle est si proche la terre, si proche… Et l’enfant la repousse ! Des deux mains. Comme il repoussera sa mère le moment venu… Mais là – c’est la terre qu’il repousse. Se redresse… Un pas ! Deux… Et puis la terre le rattrape. Lui saute au visage et le voici – encore à quatre pattes ! Jour après jour, l’enfant repousse la terre, de plus en plus loin… Avec sa main… C’est, peut-être, pour ça qu’on a les larmes aux yeux dans les grottes aux mains de gosses sur les parois…
Maria n’a pu aller à l’école que trois fois dans sa vie. Et pourtant l’école lui plaisait. L’école, c’était beau. Et ça sentait bon ! Les tables, les bancs… Agréables à toucher. Et les lattes du parquet sentaient le miel.
Maria a tout de suite admiré cette femme. Au premier regard. Avec sa tignasse rousse-rousse, sa blouse blanche comme la neige. Et sa peau ! Oh, la peau des rouquines… C’est la pêche qui éclate au soleil, ça. Et puis une petite graine de beauté sur la joue de la pêche ! Elle s’anime, la graine, lorsque la pêche rit au soleil. Et les cheveux d’Anna… Ah ça, comme une flamme.