La peur bleue
Je remercie les Editions Jigal Polar pour l'envoi de ce nouveau titre.
Maurice GOUIRAN
Inébranlable. Dans ses polars, Maurice GOUIRAN ne s’attache pas aux chiffres de l’Histoire, il s’attache à la chair, à la terre et aux hommes. Il nous conte les méandres de leurs vies, il met des noms sur les morts… Il fait remonter à la surface les souvenirs, les tabous, les non-dits… Il nous fait sentir les brûlures du soleil, les odeurs des collines, il fait suinter la souffrance et la peur des victimes… Il n’invente (presque) rien, il n’enjolive pas (ou si peu), il ne donne pas de leçon, il nous ouvre les yeux !
L’Algérie, la guerre, les harkis, Marseille, ses taudis, ses morts, ses élus… Pour son 31ème roman, Maurice Gouiran s’indigne encore et encore !
Plusieurs meurtres de vieux harkis, dans une scénographie aussi horrible que spectaculaire, semblent dégager d’effrayants relents de vengeance. Mais qui peut en vouloir aujourd’hui à ces octogénaires ? Et pourquoi ? Clovis Narigou se laisse entraîner, une fois de plus, dans une enquête qui fera resurgir les vieux fantômes et les non-dits d’une guerre d‘Algérie qui n’osa jamais dire son nom. Ses investigations lui feront découvrir la bleuite – une vaste opération d’infiltration et d’intoxication qui, excitant la paranoïa des willayas, déclencha de sanglantes épurations – mais aussi la dramatique situation des harkis, indésirables en Algérie et malvenus dans une France qu’ils ont servie. Les recherches de Clovis Narigou et de la capitaine Emma Govgaline s’avèrent d’autant plus délicates qu’il y a de l’électricité dans l’air : la cité phocéenne est en proie au scandale de l’habitat indigne, des immeubles effondrés et des logements insalubres loués par quelques élus locaux indélicats. Et comme le commissaire Arnal a bien d’autres chats à fouetter que de s’occuper de la mort de quelques vieux Arabes, Clovis et Emma feront le boulot…
Ma chronique :
Marseille avait accueilli de nombreuses familles de Harkis après la guerre d’Algérie. Aujourd’hui on retrouve le corps supplicié d’un vieil homme, pendu, égorgé. Emma Govgaline récemment nommée capitaine de police et son équipe vont se partager cette enquête et celle des immeubles vétustes et insalubres de la ville ayant causés la mort de plusieurs personnes dans un effondrement qui n’est pas sans rappeler celui de la rue d’Aubagne. Elle sera aidé en cela par son ex-compagnon et ami journaliste Clovis qui avec ses connaissances importantes sur cette période de l’histoire de France va pouvoir faire des liens pour le moins intéressants. Une fois encore, Maurice Gouiran nous propose une intrigue qui fait ressurgir un passé douloureux et qui continue à avoir des conséquences sur les générations d’aujourd’hui. La guerre d’Algérie est un vivier où il trouve une inspiration sans cesse renouvelée et qui confronte la lectrice que je suis, à un passé historique dont je ne sais pas grand-chose. La position des Harkis peut enviable, traitre à leur patrie et non reconnue par la France sert de trame à une enquête brillement construite et qui continue à faire des remous. J’aime particulièrement les livres de Maurice Gouiran car il arrive à trouver la juste dose entre leçons d’histoire et enquête policière, c’est tout un art. Ses personnages sont bien étoffés et on comprend leur préoccupation, j’ai trouvé le personnage de Clovis en journaliste payé à la pige très réaliste ; Celui d’Emma manquait un peu d’attention même avec ses mésaventures, je n’ai pas ressentie pour elle d’attachement. Un roman policier qui accroche le lecteur par les sentiments, avec une histoire humaine et touchante que le temps passé ne parvient pas à effacer .Bonne lecture.
Citations :
J’ai connu des harkis comme lui – et pas seulement des harkis, d’ailleurs – qui se sentaient mal dans leur peau, qui avaient le cul entre deux chaises parce qu’ils avaient tourné le dos au passé pour mieux vivre le présent. Mais le passé surgit toujours …
A tout moment, le flot de souvenirs d’enfance le submerge et lui chavire le cœur. On dirait qu’inconsciemment, quelque chose au fond de lui ne sollicite que les images qui louent les qualités paternelles d’Abdelkader Atallah.