Le Dernier Afghan
Je remercie les Editions Rivages/Noir pour l'envoi de ce nouveau titre.
Traduit par Raphaëlle Pache
Alexeï Ivanov
Son ouvrage "Le géographe a bu son globe" a été récompensé, adapté au théâtre en Russie et porté à l'écran en 2011.
Ma chronique :
Pendant une dizaine d’année de 1979 à 1989, l’armée russe a combattu les moudjahidines ravageant l’Afghanistan. Alexeï Ivanov nous livre une incroyable épopée, un long et beau récit sur les anciens combattants russes d’Afghanistan de retour au pays. Sur une belle et noble idée de fraternité, Sergueï Likholiétov va fédérer autour de son aura héroïque et de ce qu’il nomme l’idée afghane. Regrouper les anciens combattants, s’entraider car la réinsertion de ces guerriers reste compliquée sous la bannière du Komintern. Bientôt leur association se développe, de la petite magouille aux actes mafieux, rien ne leur fait peur, ils finiront par déranger. Guerman Niévoline dit l’Allemand et Sergueï ont été frères d’armes, il rejoint donc le groupe. L’Allemand devient notre personnage principal lorsqu’il décide de braquer un de leur propre convoi et de s’enfuir à la tête d’un fabuleux butin. Un polar rugueux où le lecteur se laisse transporter par de nombreux flashbacks qui expliquent se qui se joue aujourd’hui. Certaines scènes de guerre sont si bien décrites qu’elles font froid dans le dos. Je n’ai pas résisté longtemps avant de prendre parti pour ce braqueur courageux au grand cœur. Une vision de la Russie et de ses héros modernes, entre convoitise et avidité, s’en sortir à tout prix. Un roman résolument masculin où fleurit la jeune Tatiana, la seule touche d’innocence et de pureté dans ce monde de brutes. Il y a énormément de personnages et ne pas se laisser perturber par tous ses patronymes aux consonances étrangères n’était pas évident. Les passages où l’auteur privilégie le groupe, sont représentatifs de la vie des années 90. Certaines scènes communautaires, m’ont fait penser aux Misérables de Victor Hugo. Un auteur à découvrir pour son regard pertinent sur la guerre d’Afghanistan mais aussi sa grande connaissance de son pays. Une plume qui ne nous épargne aucuns détails dans un réalisme âpre. Bonne lecture.
Citations :
L'idée afghane, cela signifie qu'on défend nos droits ici, comme on a défendu notre vie en Afghanistan. Tous ensemble. Par la force.
En Afghanistan, on était des frères de l'Union soviétique et on combattait pour ça. Et en Union soviétique, on est des frères d'Afghanistan et on fait des affaires.
Elle restait étendue la nuit dans son lit pliant, se répétait qu’elle était dorénavant couverte de honte et fautive devant tout le monde, qu’on pouvait faire d’elle ce qu’on voulait. Comment allait-elle vivre le restant de sa vie ? Tatiana s’imaginait que quand elle aurait des enfants, elle s’enfuirait, quoi qu’il en coûte, très, très loin, et les élèverait là-bas. Ils l’aimeraient, la respecteraient et n’apprendraient jamais qu’elle avait déchu. C’était seulement ainsi qu’elle redeviendrait bonne et aimée.