Le Canard siffleur mexicain - TOTEM N°202
Je remercie les Editions Gallmeister pour l'envoi de ce nouveau titre.
Traduit de l‘anglais par Jacques Mailhos
James Crumley
Le privé C.W. Sughrue s’occupe désormais à plein temps d’un bar, ce qui ne l’empêche pas d’avoir de gros soucis d’argent. Assailli de procès, il se met au vert chez son vieil ami Solly, un avocat toxico qui lui trouve une mission insolite : récupérer des poissons tropicaux rares auprès d’un mauvais payeur, le chef d’un gang de bikers connu sous le nom de Norman l’Anormal. Après une confrontation musclée à coups de mitrailleuse, l'affaire prend un tour inattendu, et Norman engage Sughrue pour rechercher sa mère, kidnappée par son mari. C’est le début d’une course effrénée qui le mènera des montagnes du Montana aux immensités désertiques du Nouveau-Mexique.
C.W. "Sonny" Sughrue vit dans le sous sol d'une morgue, ancien détective privé sans emploi, il est barman dans un bar de Meriwether dans le Montana. Son ami Solomon Rainbold ancien du Vietnam comme lui, unijambiste et avocat, lui propose une nouvelle affaire qui va l'amener à voyager en compagnie d'autres copains vétérans pour retrouver la femme disparue d'un homme riche.
On retrouve une brochette de personnages hors norme, entre sexe, drogue et rock’n’roll. Faire la connaissance de Norman l'anormal ou encore des jumeaux obèses était déjà quelque chose. Il fait appelle a ses anciens amis, un flic mourant d'un cancer, un facteur alcoolique et puis la lumière arrive avec la belle Wynona et bébé Lester. Comme souvent avec cet auteur impossible de savoir qui est coupable, ni même si cette enquête façon road movie n'est pas pipée dès le départ. C.W . Sughrue malgré ses nombreux défauts reste un personnage attachant car il a bon fond et cherche toujours la rédemption même s'il faut bien lui reconnaître un sens particulier de la fidélité. Le Vietnam plane au dessus des trois compères plus présent qu'il ne devrait. On comprend avec de nombreux flash-back, les souvenirs douloureux, la perte de l'innocence et l’échappatoire dans l'alcool et la violence. Je me suis un peu mélangée les pinceaux entre les agents de la DEA, ceux du FBI et d'autres encore d'agences non gouvernementales. J'ai apprécié le style de l'auteur qui porte un regard caustique sur la déliquescence des États-Unis.
L'intrigue est faite de nombreux rebondissements, de changements de cap et l'explication du titre du livre qui arrive à la toute fin, reste inoubliable. Un fabuleux auteur de romans policiers entre Raymond Chandler et Joe Lansdale. On ne peut que regretter qu'il n'est pas eu le temps d'en écrire plus avant sa disparition. Bonne lecture.
Quelque part en chemin, soutenait-il, les Américains avaient oublié de s’amuser. Au nom de la santé, du goût et de ce qu’il est politiquement correct de dire et de penser d’un bout à l’autre du spectre, on nous apprenait à bien nous tenir. L’Amérique était en train de devenir un parc à thème, et ce parc n’était pas un parc de loisirs – plutôt un Disneyland fasciste.
Toute cette affaire me causait toutefois quelque souci. Les clients mentent toujours, d’une manière ou d’une autre, par omission ou par commission, et vous devez prendre ce mensonge en compte, tenter de le contourner, tenter de le percer à jour.
Ça me faisait du bien de marcher comme ça, sur le trottoir miteux et encombré côté texan, dans l’adorable puanteur des tamales. De toute façon, j’avais laissé ma voiture de location dans un parking couvert, et une fois franchies les eaux boueuses qui s’écoulaient entre les parois de béton, les clôtures en grillage et les rouleaux de barbelés, la promenade côté Mexique me parut encore meilleure. J’en profitai un peu, pissai dans un urinoir rempli de glaçons, puis dans un autre rempli d’algues. Envies purement nerveuses, alors je pris un taxi pour parcourir le bloc et demi qui me séparait d’un bar dont on m’avait parlé, le Kentucky Club, pour y boire des margaritas et siroter de la nostalgie.