Grégory
Je remercie les Editions Les Arènes :
https://arenes.fr/livre/gregory/
Pat Perna
Pat Perna quitte le monde du journalisme en 2006 pour se consacrer uniquement à la bande dessinée. En 2010, il reprend avec Jenfèvre les rênes du Joe Bar Team pour le tome 7. Après le succès de Kersten, médecin d’Himmler (prix Saint- Michel du meilleur scénario 2015 et grand prix des lecteurs France 3 au Festival de L’Alpe- d’Huez), Fabien Bedouel et Patrice Perna publient Forçats (Les Arènes BD), puis Darnand (Rue de Sèvres). Plus récemment, il publie avec Jean-Baptiste Hostache l’adaptation du roman culte de Trevanian, Shibumi (Les Arènes BD).
Christophe Gaultier
Christophe Gaultier est auteur de bandes dessinées. Il a notamment publié La Tragédie brune (2018) et Philby (2020) aux Arènes BD et La Désolation (2021) chez Dargaud.
Un scénario rigoureux et bouleversant qui nous plonge au cœur du fait-divers qui hante la France depuis 40 ans.
Le 16 octobre 1984, les gendarmes repêchent dans une rivière des Vosges le corps sans vie d’un enfant de quatre ans, Grégory Villemin. Son bonnet est rabattu sur son visage, ses pieds et ses mains sont liés. Le lendemain, une lettre anonyme arrive au domicile de ses parents.
« J’espère que tu mourras de chagrin le chef. Ce n’est pas ton argent qui pourra te redonner ton fils. Voila ma vengeance. Pauvre con. »
Tout est hors norme dans cet assassinat. La victime est un enfant qui jouait sur un tas de gravier devant chez lui. Le meurtrier revendique son crime avant même de l’avoir commis. Il n’y a aucun mobile évident : les parents de Grégory sont un jeune couple d’ouvriers, amoureux et sans histoires.
Un premier suspect, Bernard Laroche, un cousin du père, est arrêté puis relâché. Pour le défendre, ses avocats détournent l’attention vers la mère de l’enfant, Christine Villemin. Sous pression, rendu fou par les manœuvres et la rumeur, Jean-Marie Villemin se rend chez Laroche pour tenter de le faire parler. Il le tue.
La victime devient alors coupable. En prison, Jean-Marie Villemin effectue un long chemin intérieur. Lors de son procès, son humanité et celle de sa femme bouleversent les jurés.
Des années plus tard, la justice a reconnu ses erreurs, présenté des excuses officielles à Christine Villemin et réparé son préjudice. Quarante ans après, l’affaire est toujours en instruction. Grâce aux parents de la victime, des moyens judiciaires importants sont mobilisés pour trouver le ou les coupables.
Ce roman graphique est exceptionnel à plus d’un titre. Fondé sur une documentation impressionnante, il s’appuie sur le témoignage inédit de Jean-Marie Villemin et ses nombreux échanges avec les auteurs. Sans rien occulter, le père de Grégory raconte, dans le détail, les sombres coulisses du drame qui a bouleversé sa vie et celle de sa femme, Christine, depuis le 16 octobre 1984.
Ma chronique :
Le 16 octobre marquera un triste anniversaire : quarante ans depuis la disparition du petit Grégory. Cette affaire continue de me hanter et de susciter de vives émotions. Les éditions Les Arènes publient un roman graphique intitulé Grégory, un ouvrage particulièrement attendu. Ce qui rend ce projet d'autant plus poignant, c'est la collaboration directe de Jean-Marie Villemin, le père de l’enfant. Il a rédigé la préface et a participé activement à sa réalisation aux côtés de Pat Perna, le scénariste, pendant deux ans.
Ce livre de 130 pages se concentre sur le point de vue de Jean-Marie, notamment lors de son procès en 1985 pour le meurtre de son cousin Bernard Laroche, qu’il a toujours soupçonné d’être l’assassin de son fils. Cet ouvrage ne se limite pas à un simple témoignage ; il cherche à capturer la profondeur de cette tragédie à travers un récit intime et visuellement saisissant. Les dessins mettent en avant l’expressivité des personnages, en particulier les regards de Christine Villemin, qui sont véritablement poignants.
Les couleurs, dominées par des teintes sombres, reflètent l’atmosphère pesante qui entoure cette histoire. Les illustrations, à la fois simples et puissantes, renforcent la gravité des événements et restituent l’humanité des Villemin, souvent traînés dans la boue par les médias au fil des ans. Ce roman graphique ne se contente pas de relater l’histoire de Grégory ; il offre un nouvel éclairage sur la souffrance des Villemin et leur combat pour la vérité, quarante ans après. Ce couple suscite une profonde admiration. Perdre un enfant est une épreuve inimaginable, mais devoir en plus faire face à l’écrasement médiatique et à l’incompétence judiciaire représente une double peine insupportable. C'est aussi un hommage à la mémoire de Grégory, en espérant qu’un jour justice et vérité puissent émerger, mettant fin à cette tragédie non résolue depuis tant d'années. Une suite est prévue.
Citations :
Un anéantissement total. Voilà ce que Christine et moi ressentons après l'assassinat de notre petit Grégory le 16 octobre 1984. Un corbeau dont nous ne connaissons toujours pas l'identité a tué notre fils de 4 ans pour me « faire mourir de chagrin ». [...]
La justice est devenue folle, les médias se sont emballés. Nous étions dans cette tornade, comme des enfants écrasés de chagrin. J'ai craqué, j'ai pris la vie de mon cousin, je resterai à jamais un assassin. Je le regrette tant. La vengeance n'est pas une solution, même si vous êtes convaincu d'être en face de l'homme qui a enlevé votre fils, de l'homme dont vous pensez qu'il a été son bourreau... Car il faut vivre avec ce poids-là. J'ai mûri, j'ai appris, je me suis apaisé et je sais le prix de la douleur et des larmes.