La mort sur ses épaules
Je remercie les Editions du Rivages/Noir pour l'envoi de cette nouvelle lecture.
A Lynch, en Virginie occidentale, les gens qui n'ont pas déserté la petite ville vivent dans la pauvreté, voire le dénuement. Il y a peu d'emplois et toute la communauté est sous la coupe de Ferris Gilbert, le cruel patriarche d'une famille de criminels, qui fait régner la terreur.
Lorsque Jason Felts, travailleur social qui a la particularité d'être nain, est chargé d'assister l'un des frères Gilbert, détenu à la maison de redressement pour possession de stupéfiants, Ferris y voit l'occasion de faire passer en fraude un dangereux colis à son jeune frère. Ferris Gilbert menace aussi Terry Blankenship, un jeune homme pauvre qui a fui la maison familiale pour vivre dans les bois avec le garçon dont il est amoureux.
Ma chronique :
Une pépite noire qui se déroule en Virginie-Occidentale dans la ville sinistrée de Lynch. Ancienne ville minière aujourd'hui à l'arrêt où le temps semble s'être suspendu dans une ruralité exsangue. Ne subsistent plus comme pourvoyeur d'emplois, que le trafic de drogues, les bars décrépits et le centre de détention pour mineurs. C'est dans se contexte que nous allons rencontrer : Jason Felt assistant social au centre de détention dont le nanisme est une des particularités maispas la seule puisqu'il a aussi grandit au dessus du salon funéraire de son oncle. Terry Blankenship adolescent gay chassé de chez lui par son père homophobe, Huddles Gilbert qui vit sous la domination de son grand frère Ferris petit caïd local. L'histoire est portée par le destin de ces personnages est étroitement lié pour le meilleur ou pour le pire. Ils essaieront tous de s'en sortir mais il semble que la ville les enchaînent sans qu'ils ne puissent jamais s'échapper. Une histoire sur la fatalité, l'incarcération des jeunes et aucune possibilité d'amélioration lorsqu'on est du côté des perdants. On perçoit l'abandon et le désespoir de Terry et des autres alors que l'espoir et la lumière se font de plus en plus incertains. Des personnages qui portent en eux aussi bien le malheur que la violence et qui prennent de mauvaises décisions qui les entraîneront encore plus loin.
Un roman magnifique, sensible, d'un noir profond avec des personnages bien construits qui viennent nous toucher. L'auteur aborde le handicap de Jason Felt d'une façon intelligente en faisant des flash-back sur son enfance par exemple. Comme pour la sexualité de Terry qui est abordée sans faux semblants. J'ai aimé voir les personnages se débattre avec leur conscience de qui était moral ou pas
Un style de haut niveau qui pour un premier roman me donne juste envie de suivre l'auteur dans la lecture des suivants. Bonne lecture.
Citations :
Il aurait aimé se libérer de ses secrets, mais il savait que s’en ouvrir à des divinités imaginaires ou à d’autres hommes tout aussi brisés que lui ne suffirait jamais à le soulager. D’où venait ce besoin humain universel de communion, au fait ? Espérer trouver du réconfort auprès des autres, c’était entretenir l’illusion qu’ils pouvaient vous comprendre. Les gens n’avaient pas le courage d’admettre que nous étions coincés chacun dans notre carapace, et que les mots ne nous permettaient pas d’exprimer l’indicible.
Il s’imaginait volontiers mort, sa chair dévorée par les insectes, et ses dents toujours en pleine forme, riant d’une plaisanterie qu’aucune oreille vivante n’entendrait jamais.
Jamais personne n’avait proposé de lui rendre service sans attendre quelque chose en retour. C’était comme ça, pas de quoi s’offenser. Malgré tout ce qu’on vous racontait à la messe, l’instinct principal de l’être humain consistait à exploiter son prochain.