Le hors la vie
Je remercie les Editions Vérone, ainsi que Yann Zolets pour l'envoi de ce livre.
Je suis un agent de l'ombre. J'ai tué pour l'État, sans compter et sans conviction, avec application et discipline. La vie m'a rapidement abandonné. Alors, à mon tour, je l'ai reniée et je me suis égaré sur les champs de bataille. Du Caucase à l'Iran, des jungles colombiennes aux rues de Paris, j'ai croisé d'autres spadassins, égarés comme moi dans la violence et dans la nuit. Puis, est arrivée cette belle éclaircie, comme un léger vent de bonheur sur mon existence dévastée. J'ai baissé la garde et j'y ai cru de toute ma naïveté. Mais le bonheur s'est évaporé en un clin d'oeil, apeuré par les fantômes lancés à ma poursuite. J'ai alors repris les armes, affaibli et meurtri. Il n'y avait plus de répit. Moi qui ai tant vécu, je n'existe déjà plus... Yann Zolets a servi 16 ans au sein de la Marine nationale française. Amoureux de la langue et de la culture russes, il a parcouru l'espace postsoviétique pendant une dizaine d'années. De la Russie aux steppes d'Asie centrale, en passant par le Caucase, il a visité de nombreux endroits et fait des rencontres uniques, qu'il relate dans ce roman.
Ma chronique :
Un récit poignant, moins de 200 pages pour entrer dans la vie d’un homme de l’ombre. Dimitri dit Dima moitié slave, moitié breton embarqué dès l’âge de seize ans auprès de son oncle marin pêcheur. Il aurait pu vivre cette vie lui aussi mais son engagement dans les commandos d’élite de la Marine va le mener sur des sentiers bien plus sombres et faire de lui un homme différent. Après un prologue court reçu comme un coup de poing, j’ai appréhendé trouver un récit baignant dans la violence, alors oui le monde de Dimitri n’est pas fait pour les mauviettes mais heureusement pour nous l’auteur nous offre aussi une très belle love story dans la droite ligne des Histoires d’A. (Rita Mitsouko) J’ai dévoré ce récit écrit à la première personne ce qui donne au lecteur une interrogation constante, est-on face à un journal intime, une autobiographie ou encore des mémoires ? Quelle est la part de fiction ? Qu’est-ce qui est vrai ? On est face à un récit de vie hors du commun, d’ailleurs le titre est juste parfait, nous allons suivre le parcours de Dima sur deux lignes de temps dans des lieux différents. Lorsque Dima part en mission, il peut être envoyé aux quatre coins du globe, à ses côtés d’autres hommes et femmes qui comme lui sont devenus des fantômes et agissent selon les ordres. Des ordres donnés par l’Etat qui peuvent faire d’eux des héros où des parias selon les personnes au pouvoir. Une fenêtre ouverte sur un homme d’exception, une vie faite de sacrifices, de dangers, une vie en marge des « gens normaux » une vie qui blesse physiquement et psychologiquement et laisse un goût amer. Une écriture parfaitement maîtrisée, calme et pondérée en contradiction avec les actes du personnage, mais pas avec sa concentration lui donnant finalement beaucoup de classe. Un premier roman rythmé et captivant qui ne laissera personne indifférent. Bonne lecture.
Citations :
La seule différence entre lui et moi c’est que je me suis toujours refusé à pratiquer la torture. Mais j’ai corrompu avec méthode, j’ai poussé les plus faibles au pire et j’ai tué froidement sans rien regretter.
Mis à la retraite sans aucune reconnaissance, il a subit la prise de pouvoir de la jeune génération. Beaucoup ont applaudi au départ du Vieux, des jeunes cons qui ne voyaient en lui qu’un général tyrannique, limite tortionnaire, et puis surtout ses ennemis de toujours — les ronds de cuir, mi-politiciens, mi-diplomates, ceux qu’il appelait les « parfumés ».