Sinestra
Je remercie les Editions Ring pour l'envoi de ce nouveau titre.
Armelle Carbonel
Surnommée la 'nécromancière', Armelle Carbonel est avec son style viscéral et son extrême maîtrise du suspence en huis clos, l'une des voix les plus captivantes du thriller contemporain. Récompensée à onze reprises, experte en manipulation et rebondissements, la nouvelle référence française du thriller psychologique entraîne le lecteur au coeur d'une véritable symphonie paranoïaque, dont l'intensité suscite une angoisse quasi inédite dans le monde du thriller. Née en 1975, passionnée de littérature, elle écrit depuis l'âge de huit ans.
'Un morceau d'anthologie' Raphaël Sorin
Suisse 1942.
Le Val Sinestra, refuse isolé au coeur de la vallée des Grisons entouré de monumentales montagnes, accueille un convoi de réfugiés fuyant les horreurs de la guerre. Des mères brisées au bras de leur progéniture, des orphelins meurtris et atteints de désordres psychiques. Mais là où ils croyaient avoir trouvé la paix, les résidents vont réaliser que le Mal a franchi la frontière avec eux.
Ma chronique :
Un huis clos vertigineux se passant dans une immense bâtisse servant de refuge au cœur de la vallée non moins monumentale des Grisons, cela vous tente ? Alors bienvenue au Val Sinestra. En cette période trouble de la seconde guerre mondiale, le refuge accueille femmes et enfants rescapés des horreurs de la guerre. On y croise des femmes brisées et leurs enfants ainsi que des orphelins, tous sont abîmés et portent en eux des dérèglements physiques aussi bien que psychologiques. Le panel des pathologies est étendu et suffisamment original pour ne pas les oublier.
J’ai été captivé par le lieu, lugubre et sinistre caché au plus profond d’une nature sublime, qui ici semble pourtant malveillante. Tout se passe dans cette vallée, dans cette grande bâtisse qui devient un des personnages de l’histoire, les chapitres où Val Sinestra prend la parole sont les plus forts et les plus représentatifs de cette atmosphère complètement délétère. Là où on s’attendait à trouver un refuge de paix retrouvée, de calme et de repos, on va vite se rendre compte que les soins apportés et les thérapies proposées ne sont pas celles auxquelles on pouvait s’attendre. J’en frissonne encore.
Je me suis laissée entraîner dans cette spirale infernale, un style, une écriture particulière qui ne nous lâche à aucun moment, tout est fait pour que l’on soit témoin, que l’on ressente les choses qui s’y passent avec une sensibilité exacerbée par le choix des mots quasi poétiques, des descriptions et des histoires personnels de chacun des enfants. Pari osé que de prendre pour personnages des enfants, depuis « Sa majesté des mouches », je savais qu’il pouvait y avoir des anges et de véritables petits démons mais avec Sinestra, j’ai carrément eu peur. Il ne faut pas se fier aux apparences, si une seule chose compte ici, c’est bien de s’en sortir et tout sera mis en œuvre pour tendre vers ce but mais à quel prix. La terreur que nous inspire quasiment tous les personnages masculins et pas que, est profonde et on approche d’un niveau d’inhumanité et d’horreur rarement atteint, si ce n’est justement dans des périodes de guerres, où les situations de non-droit et d’abus se multiplient. Si vous souhaitez faire connaissance avec le Mal, lisez Sinestra, c’est effrayant.
Citation :
Rose.
Il émanait d'elle l'étrange fragrance de son prénom comme une présence troublante émergeant d'entre les morts
C’etait cela, le paradoxe de la haine, enduire sa terreur de fiel dans l’espoir insensé qu’elle disparaisse.